Nous avons rencontré Titouan Garnier, jeune photographe issu de la région genevoise qui documente et cristallise notamment la scène Hip-Hop Suisse ainsi que le MMA. À l’occasion de notre entretien avec lui, il nous fait le plaisir de partager ses récentes expériences, ses rencontres et ses inspirations. Son travail sera exposé lors d’une exposition spéciale entre le 9 et le 24 Mai 2018 sur Genève, plus d’infos sont à venir… N’hésitez donc pas à vous abonner aux réseaux de Gaamb pour être mis au juice!

Salut Titouan, peux tu te présenter ?

Je m’appelle Titouan Garnier, j’ai 20 ans. Je suis actuellement étudiant en alternance en management et communication ainsi qu’auto-entrepreneur dans mon activité de créateur de contenu visuel.

J’ai commencé la photo il y a maintenant 2 ans. J’étais, à ce moment-là, dans une période un peu compliquée de ma vie personnelle et la photo m’a permis de me concentrer sur autre chose. Puis c’est vite devenu une passion.

J’ai rapidement pris de plus en plus de photos. Dans le même temps, j’ai déposé de nombreuses  demandes d’accréditations auprès de salles de concerts et d’agences de productions suisses romandes.

Parallèlement, j’ai rejoint une association étudiante qui prône l’entrepreneuriat ainsi que la professionnalisation des jeunes. C’est au moment où j’ai rejoint l’AIESEC que j’ai réellement décidé de me donner les moyens de faire un jour tout ce dont je rêvais, aussi folle soit l’idée !  Bien sûr, il me faut du temps mais rien n’est impossible à qui le souhaite vraiment !

Quelle a été la part d’autonomie dans ton apprentissage ?

Je suis totalement autodidacte. Je n’ai donc pas eu la chance de faire des études ou des travaux spécifiques dans ce domaine pour me former. Cependant, quand j’ai décidé de m’investir activement dans le milieu de la photo, j’ai pu commencer à collaborer avec certains groupes et non des moindres, que ce soit gratuitement ou en mission rémunérée. Pour tout cela, je remercie Soldout production, TCO prod, Colors records, Hiphop infos France (maintenant Interlude) et le Strenght and honor championship pour leur confiance et leur soutien sans faille, dès le début.

Pour partager mon travail, j’utilise donc majoritairement Instagram. C’est selon moi la plateforme qui favorise le plus la photographie. J’essaye de publier du contenu de manière régulière, le tout en essayant de garder mon style et sans tomber dans la photo simplement clickbait.

Tes passions sont transposées dans ton travail, quelles sont-elles ?

J’ai plein de centres d’intérêts ; les sports de combats, le rugby, le foot mais également la communication en générale et bien-sûr la musique, surtout le hiphop et le rap.

Aujourd’hui, ma philosophie de vie est de travailler dur pour être reconnu pour le travail que je fournis mais également d’apprendre et d’entreprendre, tous les jours.

L’AIESEC m’a vraiment permis de prendre conscience de ça mais m’a aussi aidé à croire en mon potentiel, alors que je manquais beaucoup de confiance en moi. Que ce soit grâce aux workshops ou au soutien de toute l’association d’ailleurs. Cette seconde famille m’a toujours tiré vers le haut.

J’ai de nombreux projets pour le futur mais je n’aime pas trop m’avancer. Je peux juste dire quelques trucs.

Tout d’abord, je compte organiser la seconde édition de mon exposition : le développement du rap en suisse romande. Le but étant de mettre en avant cette scène suisse ainsi que son public. J’espère exposer dans de jolis lieux ainsi qu’organiser un concert après chaque fin d’exposition.  Tu as une salle à disposition et l’idée te plait ? Je suis ton homme !

Mon objectif dans un futur plus ou moins proche est de créer une entreprise de communication dédiée aux artistes, festivals et labels.

Comment se déroule ton processus créatif ?

Le fait de devoir concilier travail/étude et photo ainsi que de devoir apprendre en autodidacte, m’a obligé à bien m’organiser, à repousser mes limites et à me battre pour obtenir ce que je veux. Mais je pense que pour pouvoir réussir ce sont des étapes très constructives !

Mon environnement joue un rôle majeur dans mes créations, surtout musicalement. Je m’imprègne de l’univers musical de l’artiste quand je retouche ses photos afin de produire quelque chose qui, à mon sens, colle à son style tout en gardant une marque du mien.

Enfin, ce qui influence le plus mes créations est sans aucun doute mes émotions. Je produis beaucoup et mieux quand je vis des émotions intenses, plus précisément sous la colère et la mélancolie. J’estime que mes plus beaux clichés portent la marque de moments d’emportement ou de tristesse.

Ma démarche artistique est simple. Une idée me vient et je la mets en scène ou alors je shoot à l’instinct, lors d’un concert. Ensuite je retouche la photo en fonction du temps que j’ai mais surtout comme dit précédemment, de mon mood et cela toujours en musique forte !

Jusque-là, je travaillais chez moi mais j’ouvre à partir du 1er octobre 2018, un studio en collaboration avec une amie. Ce studio est composé de 2 pièces, une uniquement pour les shoot avec de multiples fonds et lumières. La seconde pièce, elle, est un espace de rangement mais également le bureau ou je retoucherai mes photos, monterai les vidéos et où je m’occuperai du mastering d’autres projets.

Dans le contenu que je partage sur les réseaux sociaux, je ne cherche pas à poser de problématiques particulières  mais juste à proposer divers clichés. Dans les œuvres que je garde ou que je compte réaliser bientôt, j’aborderai par l’image des sujets qui me tiennent à cœur et que je veux critiquer. Je n’en dis pas plus pour l’instant !

Enfin, je pense que mes expériences personnelles m’apportent sans doute une certaine sensibilité vis-à-vis de certains sujets. Mais je ne veux pas être réduit à cela pour définir mon travail.

Pour shooter, j’utilise divers matériels mais mes appareils de prédilection sont mon Nikon D850, mon 50mm 1.8 et mon 70-200 2.8. Il m’arrive d’utiliser un flash, un grand angle…

Pour retoucher mon travail, j’utilise Lightroom et Photoshop. J’aime beaucoup jouer avec le contraste, le détail ainsi que le négatif. Aborder le négatif me permet d’avoir une autre vision de la photo et je pense que cela est un peu ma marque de fabrique et mon style à moi. Et bien-sûr, j’aime beaucoup travailler en noir et blanc.

En plus de la musique, tu photographies également le monde du MMA. Pourquoi ce sport ?

Pourquoi je suis le MMA ? Je suis ce sport pour de nombreuses raisons. Tout d’abord parce que je suis un fan de sports de combats. Ensuite, parce que c’est le sport du 21eme siècle et celui qui vit le plus grand développement. De plus, je considère que ce sport souffre de préjugés tout comme d’ailleurs le rap ! J’aime pouvoir faire changer d’avis les gens et la photo peut jouer un rôle précieux, dans ce cas.

Je suis ce sport depuis maintenant je pense 7/8 ans. C’est un sport difficile à vivre en live car les combats sont retransmis à 5 heures du matin le dimanche mais je suis un spectateur assidu! Je crois que photographier des combattants et des artistes est relativement similaire car ce sont des personnes qui donnent tout dans la cage ou sur scène.

Bien sûr, ce sont deux mondes différents mais il y a pourtant beaucoup de similitudes : la vitesse des déplacements, le mouvement, ainsi que les expressions sur les visages. Pour décrire les coulisses de ce sport, je dirais que c’est un mélange extraordinaire d’émotions. Avant le combat, l’ambiance est tendue et très calme. Les combattants s’échauffent, se motivent mais gardent leur sang-froid dans la concentration. Puis vient l’entrée dans la cage. A ce moment là, ils doivent être capables de se surpasser et de faire sortir leur instinct animal le plus archaïque et le plus enfoui. Après le combat, on peut lire le bonheur et le soulagement comme une réelle douleur, une déception voire une vraie détresse.

L’anecdote que j’ai en tête date de mars dernier. Mon meilleur ami m’a offert une place pour l’UFC fight Night de Londres. Tom Dusquenoy était programmé alors j’ai tout tenté pour prendre contact avec lui. J’ai réussi au-delà de mes espérances puisque je me suis retrouvé à faire des photos, pour lui , dans son hôtel, avant la rencontre. Depuis, Tom est devenu un ami que j’essaye de voir régulièrement quand il est en France ou en Suisse.

Quelles sont tes influences ?

Pour ce qui est de mes influences artistiques je dirais que je prends exemple sur les 3 piliers que sont pour moi : David Delaplace, Fifou et Koria. Leur qualité de travail, leur capacité à sortir des projets cohérents avec les albums/Ep etc. Je pense que c’est d’eux dont je m’inspire le plus.

J’ai aussi de grosses influences cinématographiques. J’adore apporter des éléments de décors pouvant être ceux de films.Pour conclure, je pense que ce qui m’inspire le plus est le décor urbain. J’aime trouver un décor insolite dans le résultat de l’urbanisation environnante. Ça peut être un grillage, un bâtiment vétuste, un parking….Les lieux abandonnés sont d’ailleurs à mes yeux les lieux idéaux pour réaliser des photos réussies !

Pour ce qui est de l’espace culturel, j’aime particulièrement m’orienter sur des producteurs ou artistes locaux. La Suisse est un incroyable foyer de produits de qualité et donner de la force à ces gens c’est juste un vrai plaisir !!!! (S/o Gio dallas, Rounhaa, Slimka, Mojo jojo tattoo, Raven, mdp_gva, roi sullivan, metanoia, kapaw, voodoo, dewolph…)

Comment décrirais tu l’évolution de la scène suisse ?

Ce qui a changé dernièrement, je dirais que la scène se multiplie, que la création made in suisse se développe et que son style devient vraiment propre à sa scène. De plus, je dirais que le public prend conscience de son importance dans le développement de son rap. Je vois de plus en plus de personnes communiquer de la force aux rappeurs suisses.

Les personnes avec qui je travaille le plus régulièrement sont TCO prod, Colors records ainsi que divers associés dans différents projets. La scène qui m’a le plus marqué est à mon goût celle des Ardentes en Belgique lors du concert de 6ix9ine. L’ambiance était dingue, les gens continuaient à sauter alors que l’artiste s’arrêtait pas. La poussière était partout, j’étais obligé de porter un foulard et de nettoyer mon objectif toutes les 2 minutes.

 L’artiste qui m’a le plus marqué est je pense SCH, de par sa gentillesse, son accueil et son goût pour la photo. C’est un artiste qui aime les visuels et qui le fait savoir au photographe tout en gardant un peu de distance pour laisser le style du photographe opérer.

Mais pour moi, le concert qui m’a réellement bluffé est celui de Jazzy Bazz. Tout était là, des sons durs comme des sons doux, une capacité d’adaptation folle au moindre soucis technique, un flow et une présence scénique juste au top. Un concept dont je me souviendrai comme tous ceux au Ned de Montreux ce soir la.

 Actuellement mon rapport à la scène Suisse est presque exclusif. Je me concentre sur la Romandie et je suis, d’après ce qui m’a été rapporté, le photographe hiphop le plus présent en suisse romande. Je le dois en grande partie à TCO production avec qui je travaille depuis maintenant 1 an et qui m’ont permis de photographier un bon nombre d’artistes.

Malheureusement, aujourd’hui en Suisse il n’existe pas réellement de structure pour soutenir les artistes dans le même domaine que le mien. Je trouve ça dommage ! On vit dans une région avec un gros potentiel d’artistes dans l’audiovisuel et pourtant rien n’est prévu pour eux. C’est pour cela que j’envisage quelques pistes.

J’ai eu quelques expériences à l’étranger et j’avoue que l’ambiance n’est pas du tout la même en fonction des lieux. On peut y sentir de réels changements musicaux mais aussi dans l’attitude des gens… Mais dans tous les cas, un concert de hiphop c’est toujours de bons moments !

Quel a été la démarche derrière la cover de Slimkunta ?

Pour la cover de Slimka, c’était y’a bien un an déjà. J’ai invité Slimka a venir au studio qu’une amie me prêtait à ce moment la. On a shooté toute l’après-midi avec différentes tenues et le résultat de base était déjà fou. C’est ce jour là que j’ai vraiment kiffé bosser en studio. J’ai retouché les photos et envoyé le tout a Slimka. Quelques semaines après, un autre artiste a effectué de légères retouches, surtout sur le cadrage. Et la cover sortait. J’étais super fier et heureux d’avoir pu bosser sur le projet. C’était le début de quelque chose je pense.

Aujourd’hui je suis a une dizaine de cover réalisées et il y en a 2 que j’affectionne vraiment, celle de Gio dallas (berlingots migros) et celle de Rounhaa (le projet sort bientôt, du coup il faudra aller chercher sur les réseaux pour avoir un aperçu).

Ce que j’aime quand je réalise une cover, c’est discuter avec l’artiste, comprendre le thème abordé et pouvoir apporter mon point de vue… Faire la cover sur une simple commande ne m’intéresse pas vraiment et après tout, je fais pas de la réalisation de cover pour juste faire ce qu’on me dit, je le fais pour apporter une vision différente !

Titouan est à la recherche d’un sponsor pour les impressions de son exposition à venir en 2019, contactez le si vous pouvez lui donner un petit coup de pouce